Stage
de Barneville-Carteret
4
et 5 octobre 2017
L’écrivain-marcheur
Avant
toute chose, lâcher-prise en marchant sur la plage ou à travers la station
balnéaire, en restant assis sur un banc face à la mer. Par ex.
Au
bout d’un moment (une demie heure, voire plus), on laisse venir les mots et on
les note dans un carnet.
Le
groupe de 6 personnes s’est reformé après ces deux phases pour lire
tranquillement les notes de chacun.
Déjeuner
L’après-midi,
travail collectif (entraide) autour de l’écriture, sur la plage, sous les doux
rayons du soleil.
Chacun
a relu ses notes lentement face aux autres qui notaient eux-mêmes leur propre
ressenti à l’écoute de la lecture. Au terme de la lecture, chaque lecteur nous
a donné son propre ressenti par rapport à ses propres notes. Puis, tous
ensemble, nous avons tenté de guider la plume qui écrirait le lendemain… mais…
dans quelle direction ? Compliqué ? Les exemples suivent…
DOMINIQUE
Elisabeth :
L’ensemble se tient. Ces
notes nous ramènent vers celles de Bohringer et de Tesson.
3 parties différentes se
dégagent de ces notes.
Une réflexion au sujet du
bord de mer pourrait être développée. Sur la désertion hors saison et
l’envahissement pendant la saison, par ex.
Dominique pourrait
envisager une poésie lente, à lire lentement. Des phrases courtes.
Possibilité de lier les 3
parties.
Nous sommes dans un
rythme lent, celui de l’écrivain-marcheur.
Après lecture, Dominique nous dit qu’il serait bon
d’ajouter un peu de lien entre les 3 parties évoquées plus haut.
De développer une
réflexion aussi sur la liberté.
Pour lui, il manque un
passage.
Il pourrait améliorer
l’ensemble, le creuser, le travailler.
Monique
a
aimé l’image « Maison orgueilleuse avec tourelles ». Pourquoi
orgueilleuse. Développer là-dessus. Cela pourrait ramener Dominique vers
l’Italie et ses peintres, par ex.
Zabeth a remarqué une
énumération. A aimé le « marque-page »
tremblant. Pour elle, l’écrivain Dominique est en quête de quelque chose.
L’ordre du temps s’est perdu. Lien possible pour elle aussi entre les
différentes parties.
Muriel
aime
les jeux avec le soleil et le vent. Le visage au vent, le visage au
soleil. Elle devine à travers les notes
de Dominique des jeux d’ombres et de lumière, des sensations de chaleur. Elle y
trouve aussi des traces (chiens, oiseaux…) Elle y entend le cri des mouettes.
De la cohérence dans tout ça.
Martine
aime
aussi la « maison orgueilleuse ». Pour elle, une double sensation sur
le visage (droit et gauche). Des sensations différentes sur la partie droite du
visage et sur la partie gauche. Des jeux d’ombres et de lumière aussi. Des
traces encore, des empreintes. Ressenti d’un vol libre et insouciant.
Pour
tous, quelle direction pourrait prendre l’écriture de Dominique à partir de ses
notes du 4 octobre à Barneville ? Une
prose poétique façon notes, mais retravaillées. Pas besoin de chute.
XXXX
MARTINE
Elisabeth :
de
la poésie. Belles images. Réflexion philosophique. Différents éléments qui
peuvent se dissocier les uns des autres. Pas forcément besoin de lien entre
tout cela. On retrouve chez elle comme chez Dominique l’approche de
l’écrivain-voyageur, thème du jour.
Manière d’écrire
possible : l’aphorisme
Zabeth : Envie
de tout réécrire. On y trouve des contraires, des contrastes comme chez
Dominique. La mer, synonyme de combats et d’espoirs. L’homme tout petit face à
la mer. Condition de l’homme face au cosmos. Une forme de poésie dans ces
notes, du moins un esprit poétique. Elle estime avoir reçu un cadeau. Il
faudrait inventer des mots pour dire combien c’est beau.
Dominique :
forme
poétique très reposante qui anime les images. Il y voit un parallèle entre les
personnages et la mer. Plusieurs interprétations possibles des phrases. 2
niveaux de réalité un peu différents : « Il est toujours trop tôt
pour s’arrêter ». On passe de l’un à l’autre : mer, personnages,
éléments.
Nous sommes ici dans la
contemplation qui mène vers une vague de bien-être.
Invention de mots
aussi : forme de liberté, aussi pour le lecteur
Monique
a
renoncé aux notes. Trop de choses évoquées. Une quête totale : intérieure,
mystique. Dans tout ce sérieux, une pointe d’humour. On garde, on retrouve son
âme d’enfant.
Zabeth a revu des images
d’enfance.
Muriel
y
a trouvé une certaine élévation, des choses philosophiques. Un certain va et
vient entre nature, homme, image allusive, pudeur. De la nostalgie aussi.
Passage de la sensation à la réflexion sur la vie.
XXXX
MURIEL
Elisabeth :
récit
sobre, pas forcément poétique. Un ou deux liens pourraient être utiles. Ce sont
là de bonnes bases pour un texte, mais ici possibilité de dégager quelques aphorismes.
Elle pourrait aussi envisager un dialogue entre éléments et personnages (ce
qu’elle a fait). Un certain humour, notamment dans la phrase finale.
Martine :
la
chute est impressionnante.
Zabeth : a
évoqué une certaine réflexion sur le regard qui revient régulièrement. Une
façon de voir, une redécouverte constante. Un regard qui dissèque, peu
naturaliste. Un regard sans complaisance, franc, direct. Le son très présent
aussi : le cri des oiseaux, les vagues… Les sensations ressenties,
toujours changeantes. Des choses cachées derrière les apparences. Une forme
d’engagement : j’aime, j’aime pas. (il est compliqué pour Martine de dire, « j’aime »
ou « j’aime pas »).
Dominique :
a
beaucoup aimé la première phrase qui parle de tache rouge, de myopie. Il aime
le mot myopie qui peut prendre différents sens. Qualité de laisser couler ce
qui vient, j’aime, j’aime pas. « Mes galoches se
sont enfoncées… », intemporel. Des sensations, des émotions, du ressenti.
Chaque instant toujours différent. Références à Francis Ponge. Description.
Référence à l’ouïe aussi. A apprécié la fin.
Martine :
aime « le soleil dans le dos. », réconfortant : la chaleur,
c’est la vie. A aimé le début. On est proche de la
pensée de Muriel, et puis on la perd, on la retrouve etc. Le texte est rythmé.
Elle aime être bousculée dans son écoute ou sa lecture. Un texte qui l’interpelle, qui l’amène à
s’interroger. Elle y retrouve beaucoup d’elle-même. Notion de proximité et
d’éloignement. Une forme de provocation.
Muriel :
Le
texte est rythmé parce que chaotique dans sa tête. Elle y a mis beaucoup
d’elle-même. Peut-être trop. Elle a été contente de l’écrire.
Monique
y
voit une narration, une énumération de tableaux jusqu’à « j’ai
froid ». Retour à Muriel. Une fin qui interroge.
XXXX
MONIQUE
Sobre. Des pensées
simples. Référence à Dali, par ex. Des images poétiques. Tient à sa quiétude,
difficile à atteindre. Nous sommes bien dans l’esprit de l’écrivain-marcheur.
Retour à la simplicité du tao, du zen.
Muriel
aime
la concision de Monique qui peut être, qui est très forte.
Elisabeth :
Monique pourrait écrire des aphorismes (ce qu’elle a fait).
Zabeth : un
sentiment de plénitude. Rien à ajouter.
Martine :
plénitude juxtaposée à solitude. Amour de la solitude, sans la tristesse.
Dominique :
des mots forts. Pourrait écrire un texte en prose, un peu édoniste,
en gardant la même thématique. Beaucoup de verbes.
Monique :
revient à l’essentiel.
Muriel :
très court et très construit.
Monique
a
su exprimer ce qu’elle voulait dire, ce qu’elle a ressenti. A su se faire
comprendre des autres…
XXXX
ZABETH
Elisabeth :
on est parti sur un texte en prose (ce
qu’elle a fait). Des interrogations. Une écriture sobre, simple, efficace.
Poétique mais sans fioriture. Une écriture toujours concise et efficace. Le
regard est présent ici aussi. De belles images. Un texte à étoffer. En prose ou
sous la forme d’un monologue.
Dominique :
on sent l’arrière-saison, la nature, le ressenti vis-à-vis d’elle. La solitude
et les volets fermés. Pas de drame là-dedans. Les phrases sont posées
calmement. Rien d’inutile. Recherche du signe. Affirmation finale. Métaphore
par rapport à la vie.
Martine :
un texte très féminin. Une femme en quête chez Zabeth.
Elle se pose des questions, elle essaie de se rassurer. Une femme positive qui
ne retient que le bon côté des choses.
Muriel :
Aime tous ces personnages. Laisse place à l’imaginaire. Une se devine ou
s’invente en quelques mots. Un texte de théâtre possible. Un texte ouvert, un
champ ouvert. Ouvre des perspectives. Pas très descriptif, encore que… Va
au-delà de l’histoire des individus. Ouverture et fermeture des volets. De la
mise en scène. Un regard positif sur l’environnement et sur l’humanité.
Monique
y
voit un poème, un tableau. A retenu cette phrase : « Et toi, tu
reviendras ? ». De la nostalgie, une peine de cœur, de la douleur. Zabeth pourrait écrire une prose poétique (c’est à peu près
ce qu’elle a fait).
XXXX
ELISABETH
Dominique
y
voit plusieurs niveaux. Certaines images sont liées au nettoyage intérieur. Le
haïku. Notion de menace sourde : « algues-lassos », « carte
du ciel ». Impression de sombrer. Idée de basculement (métaphore). Par
rapport aux pensées du quotidien, plein de choses. Face cachée d’une vie à
peine perceptible.
Martine
y
voit des signes de vie. On ne sait pas tout, mais la vie est là malgré les
gouffres qui s’ouvrent. Hésitation entre danger et sérénité, entre sombre et
lumière. Beaucoup de descriptions, sensations et émotions (à développer).
Evasion du quotidien.
Muriel
y
voit de la recherche, du positif entre menace et signe de vie. Je cours après
le cheval. Irruption du vieil homme qui joue avec son chien. Jolie image :
un peu plus de légèreté chez le cheval trottant ou galopant. Victoire
de la vie ou un autre chemin qui se dessine. Belle image : des vagues
trébuchantes. Nettoyage intérieur. Parallèle entre une baigneuse en néoprène et
le tas vert formé par un filet de pêcheur. C’est une forme de menace, un envahissement,
une forme de pollution. Une incursion ailleurs avec l’évocation de l’Irlande.
On s’éloigne du quotidien. Des sensations visuelles. Incursion dans la
civilisation qui interpelle. Caverne d’Ali Baba. Accumulation de trésors.
Dominique :
nouvelle
apparition de menaces « éléments de la modernité » venant du fond de
la mer, des éléments eux-mêmes (tempêtes), des hommes et de la mer, liée à la
folie des hommes. La peur peut aussi nous éloigner de nous-mêmes. Le texte
pourrait prendre une direction fantastique.
Zabeth
voit dans « l’escale en soi-même » un nettoyage intérieur (collectif,
c’est selon elle ce que nous avons fait tous ensemble). Notion
d’écriture : les algues qui reviennent à plusieurs reprises. La légèreté
des plumes (double sens). En même temps, quelque chose de très angoissant. Tout
peut basculer comme les marins sombrent au fond de la mer (naufrages). Ce que
l’on ne voit pas mais qui est là quand même. La mer dessine aussi. A sa propre
écriture. Lien avec le cosmos. Une forme d’écriture biblique et 16ème
siècle. Du chamboulement là-dedans.
Monique
y
voit ombre et lumière. Sous les pieds, menaces, marécages, mystères et au bout,
une volonté de purification. Lumière, nacre, diamants, partitions… Mélange
concret et mystère. Elisabeth pourrait écrire une prose sans trop de poésie.
Zabeth : une
écriture haletante : un texte qui doit tenir le lecteur en haleine. Un
cours déroutant, initiatique, qui appelle la prose.
Muriel :
ne sait pas en ce qui concerne la forme de l’écriture. Trop dense.
Martine
suggère
l’écriture d’une nouvelle. Veut savoir où tout cela mène…On est dans le
fantastique, mais… les choses pourraient aussi suivre une orientation concrète.
Qu’est-ce qui va l’emporter ?
Dominique
suggère
une fin hors repères que chacun pourra interpréter à sa manière : angoisse
ou merveilleux. Plusieurs textes pourraient être écrits à partir des mêmes
éléments. Partir à l’envers avec les sabots du cheval et revenir vers les
vagues trébuchantes.
XXXX
Notes
initiales d’Elisabeth
Le ressac lent et doux
Au plus près des vagues
Le mugissement
Ça monte ou ça descend ?
Goémons échoués, laisses
de mer
Bulles multicolores au
ras du sol : signe de vie sous nos pieds
Sable sec et sable humide
Vagues trébuchantes
Menace sourde
Nuages gris
Nettoyage intérieur
Escale
en soi-même
Baigneur habillé en
néoprène
Danse légère entre les
vagues
Petite mousse blanche
Idéogramme palpable
Petit solide :
fragilité du front de mer remodelé par les tempêtes et marées, puis les hommes
qui réparent la casse.
La limpidité du silence
L’irrégularité des vagues
Un envol de plumes
Les algues-lassos
Le reflet du sable et des
nuages sous mes pas
Un voile d’eau sur le
sable
Une tache de lumière crue
et aveuglante
L’impression de sombrer
dans un gouffre insondable à chaque pas, de descendre comme Alice dans un
univers inconnu, mystérieux. Et comme dans la Bible, « Ce qui est en haut
est en bas, ce qui est en bas est en haut »
Déchet des hommes
Plumette
Longue laisse idéogramme
Nourriture insoupçonnée
(pour la table et pour l’esprit)
Nacre brillante
Musique irlandaise
Jersey, île mauve
« Le silence est
d’or, la parole est d’argent. »
Espaces lisses ou
granuleux
Vers Portbail
Carte du ciel reproduite
sur le sable, du moins proche
Paquets d’algues
S’éloigner du quotidien, oublier
ce qui n’est pas l’environnement immédiat.
Petites méduses
translucides, gélatine tremblotante ou quartz. Petit champignon déraciné et
oublié ou encore enraciné. Morte ou vive ?
Diamants étincelants à la
surface des algues.
Partition rouge.
La danse du jeune chien
autour du vieil homme qui le titille avec une algue.
Douce lumière voilée sur
le môle de Barneville.
Respiration des vagues.
Autour du vieil homme
La danse d’un jeune chien
Menée par une algue
Trio d’hirondelles de mer
( ?), aile à aile
En rang serré
Le bleu du ciel sous mes
pas
Cheval trot, puis au pas
Maisons aux volets clos
A chacun son lâcher-prise
De loin, j’aperçois un
bloc vert. Qu’est-ce que c’est ? Un filet, un piège, une nasse ?
Plumes de sable dessinées
sur la grève, gravées par la mer.
Renflements ou trous,
signes, tortillons,
Je marche sur les pas du
cheval.
XXXX
Elisabeth écrira un peu
plus tard les textes en prose suggérés par le groupe. En attendant, de manière
à rester bien disponible pour tous au fil de la matinée du 5 octobre où nous
avons écrit, elle a laissé venir quelques haïkus qui valent ce qu’ils
valent… :
Escale
en soi-même
Un nettoyage intérieur
Sain et nécessaire
Danseuse légère
La baigneuse en néoprène
Glisse sous la vague
Rouge sang ou noir
Idéogramme palpable
Sur le sable humide
Reflets des nuages
Lumière crue et
aveuglante
Juste sous mes pas
Tache de lumière
Sur une grosse algue
brune
Crue et aveuglante
Voile d’eau glissant
Sur la pente granuleuse
Du rivage blond
Gouffre insondable
Sous la grève somnolente
Je m’appelle Alice
Gouffre insondable
Caverne d’Ali Baba
Sous mes pas mouillés
Vie trépidante
Sous la croûte friable
Du sable mouillé
Menace tranquille
Dans le ciel et sous les
pas
J’avance sereine
L’inconnu m’appelle
Dans le ciel ou sous le
sable
La vie, si multiple
J’avance sereine
Dans le ciel et sous mes
pas
Menace tranquille
Lambeaux de plastique
Mal digérés par la mer
Vomis sur la plage
Mauvaise digestion
Des petits bouts de
plastique
Vomis sur la plage
Sur la plage blonde
En pâle duplicata
La carte du ciel
Sur la page blonde
En pâle duplicata
La carte du ciel
Paquets d’algues noires
Etoiles déboussolées
Posées sur le sable