Débuts de nos contes :
D’Elisabeth Le Borgne
Basile se réveilla brutalement. C’était comme si quelqu’un avait
sauvagement frappé à sa porte. Il bâilla tout son saoul en s’étirant de tous
ses membres et réalisa d’où venaient les coups entendus pendant son sommeil.
Isidore, le pic-épeiche, tambourinait du bec contre le tronc d’un chêne
centenaire, en quête de nourriture. Tout à fait réveillé cette fois, il sentit
son estomac gronder. Isidore mangeait et lui aussi avait faim. Sans doute
trouverait-il quelques glands au pied des arbres ? Chaque journée
commençait pour lui de la même manière : son petit groin retournait la
terre afin de débusquer un peu de nourriture. Mais… il devait bien l’admettre,
celle-ci se faisait de plus en plus rare et sa saveur de plus en plus amère.
Basile recracha la dernière bouchée. « Pouah ! fit-il, je vais devoir
déménager si je veux améliorer mon dîner. »
Il entendit au-dessus de sa tête une tendre roucoulade. Paz, la
tourterelle, chantait doucement. « Moi aussi, je vais déménager car la vie
dans notre forêt n’est décidément plus celle que nous avons toujours connue
jusqu’ici. Basile, veux-tu que nous partions ensemble ? » Basile émit
un léger grognement satisfait et le duo – l’un noir et l’autre blanc – se mit
en route vers un ailleurs qu’il espérait meilleur.
Lorsqu’ils franchirent les limites de la forêt, ils se sentirent
bien vulnérables. Cela devenait difficile de se cacher en cas de danger. Les
arbres s’éloignaient les uns des autres et les bosquets maigrissaient à vue d’œil.
Peut-être s’inquiétaient-ils à tort. Rien ne semblait vraiment bouger autour
d’eux. Un silence léger régnait.
-
Tu es
sûr que nous avons bien fait de partir ? », roucoula Paz.
-
Oui,
répondit Basile. Nous n’avions pas le choix. Notre chemin désormais – quel
qu’il soit – n’est plus celui de la forêt. Nous trouverons ailleurs notre
nourriture.
Ils marchèrent encore longtemps, grignotant ici et là quelques
gourmandises inconnues. Tout à coup, une petite montagne de terre surgit sous
le nez de Basile qui y enfouit aussitôt son petit groin pour l’en retirer bien
vite car la petite chose qu’il venait de voir sauter en l’air, pattes
par-dessus tête, venait de le lui mordre.
-
Ah ben
ça alors ! s’exclama le jeune marcassin en protégeant son museau autant
que possible entre ses pattes. Qui es-tu ?
-
Je
m’appelle Firmin, répondit la petite bête gris-noir. Je suis une taupe et je
creuse des galeries au plus profond de la terre pour me nourrir.
-
Et que
manges-tu si loin sous la terre ? s’enquit Basile.
-
Des
vers de terre. Surtout des vers de terre. Hélas, ils se font de plus en plus
rares et je dois me débattre avec tout un réseau de racines qui empêchent la
terre de respirer pour creuser mon chemin. Je vais finir par mourir de faim.
-
Nous
aussi ! s’exclamèrent Paz et Basile d’une seule voix.
-
C’est
pourquoi ce matin, nous avons quitté notre forêt natale, roucoula Paz.
-
Si tu
veux, viens avec nous, ajouta Basile. Nous cherchons tous la même chose.
Et Firmin leur emboîta le pas… Mais quelques centaines de mètres
plus loin, la terre devint très dure, hermétique et très bruyante. A plusieurs
reprises, le trio fut traversé par un souffle puissant qui précipita marcassin
et taupe sens dessus dessous sur un lit de feuilles piquantes. Même Paz avait
du mal à garder son équilibre.
-
Qu’est-ce
que c’est que ça ? s’écria Basile.
-
C’est
le monde des hommes, répondit Firmin. Venez, mettons-nous à l’abri.
-
Qui
sont les hommes ? demanda Basile. Je n’en ai jamais vu !
-
Ils
marchent sur deux jambes, comme moi quand je me pose, roucoula Paz.
-
Tu
connais les hommes, Paz ? interrogea Basile.
-
Assez
pour me tenir éloignée d’eux.
-
……………………………………………….
(à suivre)
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