Travaux dirigés, L III, Droit des sûretés, 2014-2015

Thème  IV : Le gage sans dépossession

TRAVAIL A FAIRE :

- Revoir la notion de gage

- Déterminer les différents types de gages et leurs particularités

- Dissertation juridique : la protection du créancier dans le gage sans dépossession.

EXTRAIT AUS

Article 92 : « Le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs ».

Article 93 : « Le gage peut être constitué en garantie d'une ou de plusieurs créances présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables ».

Article 94 : « Les parties peuvent convenir de la subrogation, en cours d'exécution du contrat, de la chose gagée par une autre chose ».

Le gage peut également porter sur des sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation par les fonctionnaires, les officiers ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont ils pourraient être responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette consignation.

Article 95 : « Le constituant d'un gage de biens présents doit être propriétaire de la chose gagée. S'il ne l'est pas, le créancier gagiste peut s'opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions prévues pour le possesseur de bonne foi ».

Obs. : On voit dans ce cas, que le créancier gagiste, dans les conditions d’un possesseur ou d’un tiers acquéreur de bonne foi, peut opposer son droit de rétention au véritable propriétaire.

Article 96 : « A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature.

Obs. : Le contrat de gage est donc un contrat solennel. L’écrit n’est donc plus une condition d’opposabilité comme ce fût le cas sous l’ancienne version de l’AUS dont l’article 49 disposait : « le contrat de gage n'est opposable aux tiers que s'il est constaté par un écrit dûment enregistré ». Avec la réforme de 2010, qu’il soit avec ou sans dépossession, l’écrit seul suffit pour qu’il produise effet sous réserve de l’existence de la chose mobilière corporelles et de sa propriété.

Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s'exerce sur le bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».

Article 97 : « Le  contrat  de  gage  est  opposable  aux  tiers,  soit  par  l'inscription  au  Registre  du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d'un tiers convenu entre les parties.

Lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre particulier du constituant ne peuvent être regardés comme des possesseurs de bonne foi et le créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur encontre ».

Obs. : De l’article 97, alinéa 1er, on doit comprendre que d’une part, selon qu’il s’agit du gage avec ou sans dépossession, les modalités aux fins d’opposabilité sont différentes. Pour le cas du gage avec dépossession, c’est la remise du bien. Pour le cas du gage sans dépossession, c’est l’inscription au RCCM. D’autre part, on doit comprendre que la remise de la chose dans le gage avec dépossession n’est pas une condition de validité, mais d’opposabilité. C’est une évolution de la législation OHADA. En effet, l’article 48 de l’ancienne version de l’AUS en faisait une condition de validité en disposant que « le contrat de gage ne produit effet que si la chose gagée est effectivement remise au créancier ou à un tiers convenu entre les parties ».

Article 98 : « Sauf clause contraire, le constituant ne peut exiger la radiation de l'inscription ou la restitution du bien gagé qu'après paiement intégral de la dette garantie en principal, intérêts et autres accessoires ».

Article 101 : « Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier doit, sauf clause contraire, les tenir ou les faire tenir séparées des choses de même nature détenues par lui ou le tiers convenu. À défaut, le constituant peut réclamer la restitution du bien gagé, sans préjudice de dommages-intérêts ».

Obs. : il s’agit sûrement là d’une mesure visant à préserver l’identité des choses remises au créancier à titre de gage.

« Lorsque la convention dispense le créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes. En cas d'entiercement, la propriété ainsi acquise par le créancier peut s'exercer sur des biens de même espèce et de même qualité détenus par le tiers convenu ».

Article 102 : « Lorsque le gage sans dépossession a pour objet des choses fongibles, le contrat de gage peut permettre au constituant de les aliéner à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes. Cette autorisation donnée au constituant vaut renonciation par le créancier à l'exercice de son droit de suite à l'encontre du tiers acquéreur de ces biens ».

Obs. : Donc, le constituant ne peut aliéner les choses fongibles constituant le gage qu’avec l’autorisation du créancier. À défaut d’une telle autorisation, on doit conclure que le débiteur est tenu d’en conserver l’identité et la consistance.

Cet article nous renseigne aussi que l’autorisation faite au débiteur de vendre vaut renonciation par le créancier de son droit de suite à l’encontre du tiers acquéreur desdits biens. Cette renonciation s’appliquerait-elle aussi au profit de l’acquéreur à titre gratuit ? N’aurait-il pas été par ailleurs indiqué pour le législateur de préciser qu’en cas de vente des biens gagés, le débiteur consigne automatiquement le prix ? C’est un peu ce qui est prévu pour le gage des stocks[1].

Article 104 : « Faute de paiement à l'échéance, le créancier gagiste muni d'un titre exécutoire peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée, huit jours après une sommation faite au débiteur et, s'il y a lieu, au tiers constituant du gage dans les conditions prévues par les dispositions organisant les voies d'exécution auxquelles le contrat de gage ne peut déroger. Dans ce cas, il exerce son droit de préférence sur le prix de la chose vendue, dans les conditions de l'article 226 du présent Acte uniforme.

Le créancier peut aussi faire ordonner par la juridiction compétente que le bien gagé lui sera attribué en paiement jusqu'à due concurrence du solde de sa créance et d'après estimation suivant les cours ou à dire d'expert.

Si le bien gagé est une somme d'argent ou un bien dont la valeur fait l'objet d'une cotation officielle, les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de paiement. Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour du transfert par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant réputée non écrite ».

Obs. : En principe donc, le gage doit être réalisé selon les règles prévues par l’AUVE, le contrat de gage ne peut déroger aux dispositions de cet acte uniforme en instituant un pacte commissoire que si, d’une part, le bien gagé est une somme d’argent ou un bien faisant l’objet d’une cotation officielle et d’autre part, et s’agissant des biens meubles corporels que si le constituant est un professionnel.

Article 107 : « Lorsqu'un même bien fait l'objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, le rang des créanciers est déterminé par l'ordre de leur inscription.

Lorsqu'un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage avec dépossession, le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur lorsqu'il a été régulièrement publié et nonobstant le droit de rétention de ce dernier.

Lorsqu'un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage sans dépossession, le droit de rétention du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier postérieur qui ne pourra prétendre exercer ses droits sur le bien, tant que le créancier antérieur n'aura pas été entièrement payé ».

Obs. : Expression du principe du privilège du premier créancier gagiste, nonobstant les modalités des gages en question.

Article 108 : « Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste ou le tiers convenu doit veiller sur la chose et en assurer la conservation comme le doit un dépositaire rémunéré.

De même, lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit le conserver en bon père de famille et, notamment, l'assurer contre les risques de perte et de détérioration totale ou partielle ».

Article 109 : « Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le constituant peut réclamer la restitution du bien gagé, sans préjudice de dommages-intérêts, si le créancier ou le tiers convenu ne satisfait pas à son obligation de conservation du bien gagé.

Lorsque le gage est constitué sans dépossession, le créancier peut se prévaloir de la déchéance du terme de la dette garantie ou solliciter un complément de gage si le constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage ».

Obs. : Donc, le créancier gagiste peut être contraint de restituer le bien gagé, sans avoir au préalable reçu paiement, s’il a manqué à son obligation de conservation.

L’obligation de conservation pèse, en fonction des cas, soit sur le créancier gagiste (cas du gage avec dépossession), soit sur le débiteur constituant (cas du gage sans dépossession). La sanction de cette obligation varie selon la distinction précédente.

Lorsque le créancier manque à cette obligation, la sanction c’est la révocation de sa sûreté

Lorsque le débiteur manque à cette obligation, la sanction c’est la déchéance du terme.

Questions – réponses :

1-                Définissez le gage. R. L’article 92 AUS définit le gage comme « le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs ».

2-                Sur quel type de bien peut-il porter ? R. – Avec la réforme de 2010, le gage ne peut porter que sur des biens meubles corporels. Il peut porter sur un bien unique ou un ensemble de biens meubles corporels. (art. 92 AUS).

3-                Précisez les caractères de la créance susceptible de gage. R. – La créance objet du gage peut être présente ou future, il peut s’agir d’une créance unique ou d’un ensemble de créances. Ces biens peuvent être présents ou futurs. Toutefois, ces créances doivent être déterminées ou déterminables (art. 93 AUS).

4-                Précisez la (ou les) conditions (s) de validité du gage. R. – L’acte uniforme modifié a institué une seule condition de validité du gage. L’article 96 al. 1er dispose à cet effet que « A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit  contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ».

5-                Précisez la (ou les) conditions d’opposabilité du gage. R. – L’article 97 répond à cette question en disposant que « le  contrat  de  gage  est  opposable  aux  tiers,  soit  par  l'inscription  au  Registre  du Commerce et du Crédit Mobilier , soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d'un tiers convenu entre les parties ».

6-                Quels sont les caractères du gage ? R. – Le gage est un contrat formel du fait de l’exigence de l’écrit à peine de nullité (art. 96, al. 1er AUS), le gage est indivisible (art. 114 al. 1er AUS).

7-                Quelles sont les conditions requises de la part du constituant pour que le gage soit valablement formé ? R. - être propriétaire du bien, avoir la capacité de disposer du bien, avoir le pouvoir d’e constituer une sûreté sur le bien (ce qui suppose que le constituant ne soit, par exemple, pas soumis à une procédure collective).

8-                Que se passe-t-il lorsque le constituant n’est pas propriétaire du bien mis en gage ? R. – Le principe est qu’un tel gage est nul. Mais, le législateur permet de traiter le créancier de bonne foi comme le possesseur de bonne foi. Ainsi, s’il est de bonne foi, le créancier jouit des prérogatives découlant du gage (art. 95 AUS).

9-                Comme s’exerce le droit du créancier en cas de gage portant sur le(s) bien(s) futur(s) ? R. – Lorsque le gage porte sur des biens futurs, « le droit du créancier s'exerce sur le bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire » (art. 96, al. 2).

10-           Dans quelles conditions le constituant peut-il demander la radiation de l’inscription du gage au RCCM ? R. – Il ne peut demander la radiation de l’inscription qu'après paiement intégral de la dette garantie en principal, intérêts et autres accessoires (art. 98 AUS).

11-           Parlez-nous du gage sans dépossession sur les biens fongibles. R. – « Lorsque le gage sans dépossession a pour objet des choses fongibles, le contrat de gage peut permettre au constituant de les aliéner à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes. Cette autorisation donnée au constituant vaut renonciation par le créancier à l'exercice de son droit de suite à l'encontre du tiers acquéreur de ces biens » (art. 102 AUS).

12-           Le créancier bénéficiant d’un gage sans dépossession bénéficie-t-il du droit de rétention ? Justifiez votre réponse. R. – Non, il ne bénéficie pas du droit de rétention, parce qu’il ne détient pas la chose. Or, pour retenir, il faut détenir.

13-           Quelles sont les prérogatives dont bénéficie le créancier muni d’un gage sans dépossession ? R. – Il bénéficie d’un droit de suite et d’un droit de préférence.

14-           Comment se détermine les droits des différents créanciers ayant fait inscrire des gages sans dépossession sur le même bien ou la même masse de biens du débiteur ? R. – D’après l’alinéa 1er de l’art 107, « lorsqu'un même bien fait l'objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, le rang des créanciers est déterminé par l'ordre de leur inscription ».

15-           Quels sont les obligations du constituant dans le cas d’un gage sans dépossession ? R. – Le constituant est tenu de conserver, le bien objet du gage, en bon père de famille et, notamment, l'assurer contre les risques de perte et de détérioration totale ou partielle (art. 108, al. 2).

16-           Quelle est la sanction du manquement par le constituant demeuré en possession du bien de son obligation de conservation ? R. – « Lorsque le gage est constitué sans dépossession, le créancier peut se prévaloir de la déchéance du terme de la dette garantie ou solliciter un complément de gage si le constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage » (Art. 109, al. 2 AUS).

17-           Quand le gage sans dépossession s’éteint-il ? R. – Il s’éteint « lorsque l'obligation qu'il garantit est entièrement éteinte, tant en capital, qu'en intérêts et autres accessoires » (art. 116 AUS).

Dissertation : Le particularisme du gage sans dépossession

I-                  Le particularisme marqué au niveau de la constitution

·                   L’absence de dépossession

·                   Les conséquences de l’absence de dépossession (publicité au RCCM, obligations pesant sur le débiteur…)

II-               Le particularisme relatif au niveau de la réalisation (mise en œuvre)

·                   La différence avec le gage avec dépossession : l’absence du droit de rétention du créancier

·                   Le partage des autres effets avec le gage avec dépossession

Sujet de dissertation : La protection du créancier dans le gage sans dépossession

La protection du créancier passe essentiellement par la reconnaissance, à son profit d’un ensemble de prérogatives complétées par des obligations particulières imposées au constituant.

I-                  Les prérogatives du créancier

·        Droit de suite et droit de préférence

·        Droit de se prévaloir de la déchéance en cas de manquement par le constituant de son obligation de conservation.

II-              Les obligations du constituant

·        Obligation négative : ne pas aliéner la chose sans l’autorisation du créancier

·        Obligation positive : conserver et assurer la chose contre les périls. Art. 108, al. 2 « lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit le conserver en bon père de famille et, notamment, l'assurer contre les risques de perte et de détérioration totale ou partielle ».

·        Obligations spécifiques au régime de certains gages à l’instar du gage des stocks : dans le gage des stocks, puisque le débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks conserve le droit de vendre les stocks gagés, l’article 124 AUS révisé lui fait obligation de ne livrer les biens vendus qu'après consignation du prix auprès de l’établissement domiciliataire.

Dr TCHABO SONTANG Hervé Martial,

Chargé de Cours, FSJP, Université de Dschang

 



[1] Article 124 : « Le débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks conserve le droit de vendre les stocks gagés.

Il ne peut livrer les biens vendus qu'après consignation du prix auprès de l’établissement domiciliataire ».