TRAVAUX DIRIGÉS, L III, DROIT DES SÛRETÉS, 2014-2015
THÈME III - LA PUBLICITÉ DE
L'HYPOTHÈQUE
Travail à faire :
-
Rappel de la notion
d'hypothèque ;
-
Rappel des conditions de formation
de l'hypothèque ;
-
Résoudre le cas pratique ci-après:
M. SIMO est associé
majoritaire et gérant de la SARL BUT. En garantie d'un prêt accordé à cette
société, il a donné en garantie à la BICEC un immeuble lui appartenant. La
convention d'hypothèque a été établie le 1er décembre 2000 par devant Me
SAMSON, notaire à Douala pour une durée de 15 ans. Pour financer les travaux de
sa "maison du village", il a obtenu, en son nom personnel, un prêt de
la microfinance COOPEMIF pour un montant de 8 000 000 F en contrepartie d'une
hypothèque sur le même immeuble. La convention est signée le 15 janvier 2001 et
inscrite 10 jours après pour la durée maximale prévue par la loi.
Observation préliminaire : les faits de ce cas se situent essentiellement avant l’entrée en
vigueur de l’acte uniforme révisé. Dans un contexte strict, les solutions
devraient être recherchées d’après le droit antérieur notamment d’après les
dispositions de l’AUS dans sa version de 1997. En effet, l’article 227 AUS
révisé dispose en son alinéa 1er : « Le présent Acte
uniforme, qui abroge l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17
avril 1997, n'est applicable qu'aux sûretés consenties ou constituées après son
entrée en vigueur ».
Mais
parce que le souci de cet exercice est de vous faire comprendre l’état actuel
du droit des sûretés, nous allons passer sous silence les questions
d’application de la règle de droit dans le temps ; nous allons nous
comporter comme si les problèmes relevaient directement du champ de l’AUS
révisé.
Cependant,
l’attention des étudiants est particulièrement attirée sur la prise en compte
de telles subtilités en face d’un sujet posé à l’examen (l’objectif poursuivi
ne sera pas forcément le même). Cette précision étant faite, engageons
l’essentiel.
Questions :
1- Quelle
est la durée de l'inscription prise par
la COOPEMIF? (2 pts)
D’après l’article 196
AUS révisé, « l'inscription a une durée
déterminée et conserve le droit du
créancier jusqu'à une date devant être fixée par la convention ou la décision
de justice dans la limite de trente ans au jour de la formalité, sauf
disposition contraire d'une loi nationale ».
La durée de
l’inscription prise par la COOPEMIF est donc de trente ans.
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2- Questions :
a)
La
convention notariée suffit-elle pour rendre l'hypothèque de la BICEC opposable aux autres créanciers
de M. Simo? (2 pts)
La règle est que la
forme notariée de l’hypothèque est une condition de validité. Elle ne joue donc
pas la fonction de publicité ou d’opposabilité à l’égard des tiers. Cette
formalité permet seulement à l’acte de produire ses effets entre les parties.
Elle ne suffit donc pas pour rendre l’acte opposable aux autres créanciers de
M. Simo, tiers à la convention d’hypothèque.
b)
Si
non, quelle formalité doit être accomplie? (1 pt)
D’après l’article 20
AUS révisé, « Tant que l'inscription
n'est pas faite, l'acte d'hypothèque est inopposable aux tiers ».
En conclusion, la
formalité à accomplir, pour que la convention soit opposable aux tiers est
l’inscription de l’hypothèque.
c)
Quelle
est l'autorité compétente auprès de laquelle elle doit être accomplie? (2 pts)
L’inscription n’est
valablement prise que si elle est faite auprès de l’autorité compétente. Cette
autorité compétente est déterminée, au regard de l’alinéa 1er de
l’article 195 AUS révisé, par la loi nationale de l’État sur le territoire
duquel se trouve l’immeuble. À ce titre l’article 2146 CC indique que « les inscriptions se font au bureau de conservation des hypothèques dans
l'arrondissement duquel sont situés les biens soumis au privilège ou à
l'hypothèque ». Ainsi, l’autorité compétente auprès de laquelle
elle doit être accomplie est le conservateur foncier du lieu de situation de
l’immeuble hypothéqué.
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L'hypothèque de la BICEC est finalement inscrite le 15 juin 2005 pour une durée de 10 ans.
3- Déterminez
le rang respectif des créanciers sur l'immeuble au 30 décembre 2005. (2 pts)
D’après l’article l’alinéa
2 de l’article 195 AUS révisé, « L'hypothèque
régulièrement publiée prend rang du jour de l'inscription. ». Donc, le
rang n’est pas déterminé par rapport à la date de la convention, mais c’est la
date d’accomplissement de la formalité d’inscription qui est déterminante.
En l’espèce, deux
hypothèques sont prises sur le même immeuble en vertu de deux conventions
signées à des dates différentes. La première est établie le 1er
décembre 2000 pendant que la seconde est établie le 15 janvier 2001. Cependant,
la convention d’hypothèque du 15 janvier 2001 a été inscrite 10 jours plus tard
c’est-à-dire le 25 janvier 2001 tandis que celle du 1er décembre
2000 n’a été inscrite que le 15 juin 2005.
Au regard de ces
données, et en application de la règle de droit mentionnée ci-dessus, il
convient de conclure que, bien que partie à la convention établie en dernier
lieu, c’est la COOPEMIF qui bénéficiera d’un rang supérieur à celui de la
BICEC, car elle a procédé à l’inscription de son hypothèque bien avant cette
dernière.
En conclusion, au 30
décembre 2005, le premier rang revient à la COOPEMIF et le second rang à la
BICEC.
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Le 20 juillet 2015,
la banque BICEC, constatant qu'il a plusieurs mensualités impayées d'un montant de 1 800 000 F, décide de
procéder à la saisie de l'immeuble
hypothéqué mais se voit opposer par M. Simo la péremption de l'hypothèque.
4- Questions :
a)
M.
Simo a-t-il raison? (2,5 pts)
En général, la
péremption peut être définie comme l’« anéantissement
des effets juridiques d'un acte en raison, soit d'une négligence, soit du
non-exercice d'un droit pendant une certaine durée »[1].
C’est donc une sanction qui prive un individu d’un droit qui lui a pourtant été
auparavant reconnu. La péremption suppose en général l’expiration de la période
de validité d’un acte non renouvelée dans les délais impartis. Il doit donc
s’agir d’un acte ou d’une formalité relevant, pour son efficacité, d’une durée
déterminée.
Les faits de l’espèce
nous disent que l’inscription hypothécaire prise par la BICEC avait une durée
de validité de 10 ans. Ce délai commençant le 15 juin 2005 expirait le 15 juin
2015.
Donc, si
l’inscription n’a pas été renouvelée avant l’expiration de ce délai, elle est
périmée.
Puisqu’on est au 20
juillet 2015, c’est-à-dire à une date postérieure au 10 juin 2015, date
d’expiration de l’inscription initiale, on peut conclure que l’inscription est
périmée.
En conclusion, M.
Simo a raison.
b)
Quelle
est la conséquence de cette péremption? (2,5 pts)
D’après l’article 201, alinéa 2 AUS révisé,
l’hypothèque conventionnelle s’éteint du fait de la « péremption de l'inscription attestée, sous sa responsabilité, par le
conservateur de la propriété foncière, cette attestation devant mentionner
qu'aucune prorogation ou nouvelle inscription n'affecte la péremption ».
Mais, à la réalité, l’inscription n’étant pas une condition de validité, son
défaut ou son non-renouvellement ne saurait avoir de conséquences sur la
validité de l’hypothèque. Tant la doctrine que la jurisprudence s’inscrivent
dans cette logique. Pour la doctrine en effet, le législateur uniforme « amalgame inopportunément extinction de l'hypothèque et péremption de l'inscription
hypothécaire »[2] ; car en effet, comme le précise un auteur,
« la péremption ne vaut pas extinction de l'hypothèque mais seulement
inopposabilité de celle-ci »[3]. La
jurisprudence approuve cette analyse en décidant que « « le non renouvellement de l’inscription a pour conséquence non pas l’extinction de l’hypothèque, mais
la perte du rang ; Que la péremption de l’inscription hypothécaire est sans incidence sur la validité
de l’hypothèque consentie »[4].
Face à l’incohérence de la position du
législateur et à la pertinence de l’analyse qui précède, nous pouvons dire que
la conséquence de cette péremption c’est la perte du rang qui était acquis à la
BICEC. Elle demeure créancier hypothécaire, mais elle perd le rang qui lui
était échu.
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L'inscription de
l'hypothèque a ensuite été renouvelée le
15 novembre 2015 pour une durée de 5 ans.
5- En
2017, si le crédit est totalement remboursé, quel sera le sort de cette
inscription? (3 pts)
Renouvelée le 15
novembre 2015, longtemps après l’expiration de l’inscription originelle, la
seconde inscription ne bénéficie plus du rang qu’octroyait la première. En
effet, il s’agit en réalité d’une nouvelle inscription. C’est en ce sens que
décide la Cour de cassation française lorsqu’elle précise que « la péremption n’entraîne pas, à proprement
parler, l’extinction de l’hypothèque, car celle-ci, même périmée, peut être
inscrite une nouvelle fois. Mais cette nouvelle inscription, à la supposer
possible[5], ne
produira effet qu’à sa date »[6].
D’après l’article 201
AUS révisé, l’hypothèque s’éteint en cas d’extinction de l’obligation
principale.
Si donc, la créance
est totalement remboursée en 2017 alors que la période de validité de
l’inscription courrait encore, ce paiement entrainant l’extinction de
l’hypothèque, l’inscription doit être radiée (art. 202 AUS révisé).
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6-
M. Simo veut finalement en savoir plus sur la publicité des sûretés et vous
demande quelle différence existe entre la radiation et la péremption de
l'hypothèque. (3 pts)
On peut répondre à M.
Simo en disant simplement que la péremption sanction le défaut de
renouvellement de l’inscription avant l’expiration de la période de validité de
l’inscription en cours alors que la radiation suppose met fin à une inscription
qui n’a plus lieu d’être. Par ailleurs, la péremption ne met pas fin à la
sûreté alors que la radiation suppose l’extinction de la sûreté.
Dr
TCHABO SONTANG Hervé Martial
Chargé de Cours, FSJP, Université de Dschang
[1] CABRILLAC (R.) Dir., Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 1ère édition 2002.
[2] MANDESSI BELL (E.), ‘’La «
caducité » d’une hypothèque pour non-renouvellement de l’inscription
hypothécaire, peut-elle être invoquée dans tous les pays de la zone OHADA pour
faire échec à une procédure de saisie immobilière ?’’, http://www.camimo.com/reflex_olnew1.pdf.
[3]
KALIEU ELONGO (Y. R.), ‘’Hypothèque’’, in Encyclopédie
du Droit OHADA, p. 930.
[4] Tribunal de première instance de Yaoundé Centre
Administratif, Ordonnance n° 632/C du 02 juin 2002, Affaire Mme Veuve AYISSI TSOGO née EBOUDOU ZAMBO Martine c/ Crédit Foncier du Cameroun,
Me Pierre François Xavier MENYE ONDO, Monsieur le conservateur de la propriété foncière du
Centre, Ohadata J-04-413, www.ohada.com.
[5] En effet, l’inscription ne peut
être prise si un évènement arrêtant le cours des inscriptions (ouverture d’une
procédure collective par exemple) est survenu pendant l’intervalle. Cf. Cass.
Com. 23 février 1981, Bull. civ. IV,
N° 97.
[6] Cf. SIMLER (Ph.), et DELEBECQUE
(Ph.), Droit civil, Les sûretés, la
publicité foncière, Précis Dalloz, 4ème édition, 2004, P. 464.