TRAVAUX DIRIGÉS, L
III, DROIT DES SÛRETÉS, 2014-2015
THÈME I – LE
CAUTIONNEMENT SOLIDAIRE
TRAVAIL A FAIRE :
I-
Rappel de la
définition et des caractères du cautionnement
D’après l’article 13 AUS « Le cautionnement est un contrat
par lequel la caution s'engage,
envers le créancier
qui accepte, à exécuter
une obligation présente
ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même.
Cet engagement
peut être contracté
sans ordre du débiteur ».
De
cette définition, on peut relever que :
·
Le cautionnement
est un contrat passé entre la caution et le créancier : sa nature
contractuelle vient de ce que les deux parties expriment leur consentement à
l’acte et que de cet échange de consentement, résulte une obligation. En effet,
par son engagement, volontaire, le consentement de la caution ne se discute
pas. Le créancier exprime son consentement en acceptant l’engagement de la
caution. Le débiteur n’est pas partie au contrat de cautionnement.
·
Le cautionnement
est un contrat ayant pour objet la garantie du paiement de la dette du débiteur en cas de
défaillance de ce dernier.
·
Le cautionnement
est un contrat unilatéral : même si deux parties concernées (caution et
créancier) donnent leur consentement, une seule, la caution, s’engage effectivement.
L’autre, le créancier, ne doit rien en contrepartie. Certes, la loi fait peser
souvent sur le créancier certaines obligations, notamment d’information[1],
au profit de la caution.
·
Le cautionnement
est un contrat accessoire : pour que ce contrat soit valablement formé,
une obligation principale doit valablement exister. Le cautionnement est
toujours l’accessoire d’une obligation principale dont il tend à assurer
l’exécution.
·
L’engagement de la
caution est subsidiaire : la caution n’est qu’un débiteur de second
rang. Elle n’est tenue de payer qu’après que le débiteur n’ait pas pu recevoir
paiement du débiteur principal.
Les caractères unilatéral,
accessoire et subsidiaire influencent profondément le régime du contrat de
cautionnement. Il est un autre critère qui n’y a aucun impact.
·
Le caractère
gratuit :
si à l’origine le cautionnement est vu comme étant un service d’amis, ne
donnant lieu à aucune rémunération, de nos jours, du fait de la professionnalisation
de l’activité de crédit, il prend de plus en plus le visage d’un contrat
onéreux.
II-
Dissertation
juridique : Commentez l'article 20 AUS qui dispose: " le cautionnement
est réputé solidaire"
Cette
disposition déroge au principe énoncé à l’alinéa 1er de l’article
1202 du code civil selon lequel « la solidarité ne se présume point, il faut
qu'elle soit expressément stipulée ».
Cependant,
elle se rapproche du code civil à travers l’alinéa 2 dudit article qui prévoit
que la règle selon laquelle la solidarité ne se présume pas « cesse
que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une
disposition de la loi ».
La
règle posée à l’art. 20 AUS débouche sur une présomption[2]
de solidarité. Si cette présomption est la règle en matière commerciale, elle
est cependant rare en matière civile (or classiquement, le cautionnement est
considéré comme un contrat civil) où, comme il vient d’être relevé, elle est
exceptionnelle. En matière de cautionnement, elle viserait surtout à renforcer
la garantie due au créancier. Le législateur présume en effet, qu’en
s’engageant à payer la dette du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas lui-même
à l’échéance, la caution a voulu lier son sort à celui du débiteur, ou mieux,
qu’elle se serait engagée dans les mêmes termes que le débiteur[3].
Cependant,
on doit toujours garder à l’esprit que le cautionnement à deux caractères
essentiels : le caractère
accessoire qui signifie que le cautionnement est conclu en appui ou en garantie
d’une obligation principale et le caractère
subsidiaire qui signifie que la caution n’est tenue de payer que si le
débiteur ne le fait pas, d’où l’idée selon laquelle la caution n’est qu’un
débiteur de second rang.
Comment
comprendre donc que, débiteur de second rang, la caution soit présumée être
solidaire du débiteur ? En général, la solidarité, telle qu’organisée par
le code civil suppose que les différents débiteurs soient tenus de la dette au
même titre. Tous sont débiteurs de même rang. En effet l’article 1200 CC
dispose : « Il y a solidarité de la part des débiteurs,
lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint
pour la totalité, et que le payement fait par un seul libère les autres envers
le créancier ».
À
l’analyse, on réalise que la solidarité présumée entre la caution et le
débiteur ne remplit pas les critères posés par cet article 1200. Si le paiement
fait par l’un (le débiteur ou la caution) libère l’autre vis-à-vis du créancier
(à concurrence, le cas échéant, de la somme versée), il demeure que les deux ne
sont pas objectivement tenus de la « même chose, de manière que chacun puisse
être contraint pour la totalité ». Comme arguments, on peut
relever d’une part que la caution n’est pas forcément tenue de la totalité de
la dette, elle n’est tenue que dans la limite de la somme maximale garantie[4].
D’autre part, alors que la dette principale peut être de source délictuelle,
l’obligation de la caution a toujours une source contractuelle, donc, il ne
s’agit pas forcément de la même dette, la dette garantie et la dette de
garantie pouvant être de nature différente. C’est donc une solidarité originale[5]
qui est présumée entre la caution et le débiteur.
Les
manifestations de cette originalité sont évidentes, elles dénotent dans une
certaine mesure la primauté du caractère subsidiaire du cautionnement sur la
solidarité présumée par la loi. Ainsi, l’alinéa 1er de l’art. 23 AUS
précise que « la caution n'est tenue de payer la dette qu'en cas de non-paiement du débiteur
principal »[6].
Ainsi, contrairement à une hypothèse de solidarité classique où l’action du
créancier contre un codébiteur solidaire ne doit pas être justifiée par le
défaut de paiement de l’un d’entre eux, dans le cautionnement, la caution ne
saurait être poursuivie directement sans constat préalable du défaut de
paiement par le débiteur principal.
Aussi, contrairement à la règle selon laquelle, « le codébiteur d'une
dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres
que les part et portion de chacun d'eux » (Art. 1214 CC), dans le
cautionnement, parce que la caution n’est pas tenue de façon définitive à
quelque portion de la dette, dès qu’elle désintéresse le créancier elle est
admise à répéter pour le tout et éventuellement, peut réclamer les DI. C’est
ainsi que l’art. 32 AUS dispose : « La caution qui a payé a,
également, un recours personnel contre le débiteur principal pour ce qu'elle a
payé en principal, en intérêts de cette somme et en frais engagés depuis
qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.
Elle peut, en outre, réclamer des dommages-intérêts pour réparation du
préjudice subi du fait des poursuites du créancier ».
Parce
que la solidarité est présumée, le cautionnement sera toujours considéré comme
solidaire sauf si les parties stipulent expressément qu’il serait simple ou que
la loi d’un État membre dispose qu’il est par principe simple (al. 2, art. 20
AUS). Donc, le cautionnement de droit commun, c’est le cautionnement solidaire.
Cette présomption peut donc, soit être renversée par la mention de
cautionnement simple dans la convention, soit être rejetée par la loi nationale
d’un État membre (ce qui n’est pas le cas au Cameroun). Il ne faut pas perdre
de vue que cette présomption ne régit que la relation entre la caution et le
débiteur. Ainsi, cette présomption ne couvre ni la relation entre les
cofidéjusseurs, ni celle entre la caution et le certificateur de caution.
Là
où elle existe (entre caution et débiteur), si les parties n’y renoncent pas
expressément dans le contrat de cautionnement, il en découle que la
caution perd le bénéfice de discussion.
I-
LE DOMAINE DE LA PRÉSOMPTION
La
présomption en matière de cautionnement peut affecter plusieurs relations
(caution-débiteur, cofidéjusseurs, etc.).
Mais, celle qui est présumée à l’article 20 a un domaine limité dans la mesure
où seule la relation caution débiteur est concernée (A). Par ailleurs, elle est
d’une force relative (B).
A- La relation concernée par la
présomption
Relation
concernée : relation caution/débiteur
Relations
exclues : relation caution/certificateur de caution[7],
relations entre cofidéjusseurs
B- La force relative de la présomption
Les
parties peuvent stipuler le contraire. La loi nationale d’un État membre peut
aussi disposer qu’il est réputé simple.
À
défaut d’une telle stipulation ou d’une telle disposition, il est solidaire.
II-
LA MISE EN ŒUVRE DE LA SOLIDARITÉ
la
conséquence nature la solidarité entre la caution et le débiteur a comme effet
direct l’impossibilité pour la caution d’invoquer le bénéfice de discussion
(A). Mais cela ne fait pas d’elle un débiteur de premier rang, car, malgré sa
solidarité, elle ne peut être actionnée en paiement qu’après que le créancier
ait vainement mis le débiteur en demeure de payer (B).
A- Impossibilité pour la caution
d’invoquer le bénéfice de discussion[8] (Conséquence
naturelle)
B-
Obligation
pour le créancier de mettre le débiteur en demeure et en cause (Contrainte découlant
du caractère subsidiaire de l’engagement de la caution).
La
solidarité ne fait pas perdre au cautionnement ses caractères essentiels à
savoir qu’il est accessoire et que l’obligation de la caution est une obligation
subsidiaire.
1-
Qu’est-ce
que le cautionnement ?
R. C’est
un contrat par lequel la caution s'engage,
envers le créancier
qui accepte, à exécuter
une obligation présente
ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même.
2-
Quels
sont les deux caractères essentiels du cautionnement ? Définissez-les.
R. Le caractère
accessoire qui signifie que la caution s’engage à garantir une obligation
principale valable. Le caractère subsidiaire qui signifie que la caution n’est
tenue de payer que si le débiteur ne le fait pas.
3- Quelle
différence faites-vous entre cautionnement simple et cautionnement
solidaire ?
R. Globalement,
la caution solidaire ne peut invoquer les bénéfices de discussion et de
division.
4- Quelle
différence faites-vous entre bénéfice de discussion et bénéfice de
division?
R. La première
invite le créancier à réaliser d’abord les éléments d’actif du patrimoine du
débiteur principal et à ne se retourner contre la caution qu’en cas
d’insatisfaction[9].
La seconde quant à invite le créancier, en cas de pluralité de cautions
(cofidéjusseurs) n’ayant pas stipulé la solidarité entre elles à diviser ses
poursuites en autant d’actions qu’il y a des cautions[10].
5- Qu’entend-t-on
par inopposabilité des exceptions ? Est-elle la règle en matière de
cautionnement ?
R. l’inopposabilité
des exceptions renvoie à l’impossibilité pour la personne poursuivie à titre
solidaire ou de garant de pouvoir invoquer les moyens inhérents à l’obligation
principale, à la personne du débiteur principal ou à l’un des codébiteurs pour
faire échec à la poursuite dirigée contre elle par le créancier. NON, elle
n’est pas la règle en matière de cautionnement. En cette matière, la règle est
celle de l’opposabilité des exceptions[11].
6- Peut-on
cautionner une obligation non valable ?
R. L’article
17 AUS répond à cette question : « Le cautionnement ne peut exister
que si l'obligation principale garantie est valablement constituée. Toutefois, il est possible de cautionner, en
parfaite connaissance de cause, les engagements d'un incapable. La
confirmation, par le débiteur, d'une obligation entachée de nullité relative,
ne lie pas la caution, sauf renonciation expresse, par la caution, à cette
nullité ».
7- Peut-on
cautionner les dettes générales d’un débiteur ?
R. L’alinéa
1er de l’art. 19 répond à cette question : « Le
cautionnement général des dettes du débiteur principal, sous la forme d'un
cautionnement de tous engagements, du solde débiteur d'un compte courant ou
sous toute autre forme, ne s'entend, sauf clause contraire expresse, que de la
garantie des dettes contractuelles directes. Il doit être conclu, sous peine de
nullité, pour une somme maximale librement déterminée entre les parties,
incluant le principal, les intérêts et autres accessoires ».
8- Quelle
distinction faites-vous entre certificateur de caution et sous-caution ?
R. Le
certificateur de caution renforce la garantie fournie par la caution au profit
du créancier. En d’autres termes, il certifie au créancier que la caution tiendra
son engagement et qu’à défaut il y suppléera. La sous-caution quant à elle
garantit au profit de la caution le recouvrement de la créance dont elle sera
titulaire après qu’elle ait désintéressé le créancier à la place du débiteur.
9-
La caution peut-elle être déchue du terme ?
R. Oui, en effet, l’alinéa 4 in fine de l’art.
23 AUS dispose que « la caution
encourt la déchéance du terme si, après mise en demeure, elle ne satisfait pas
à ses propres obligations à l'échéance fixée ».
TCHABO SONTANG Hervé
Martial,
Chargé de Cours, FSJP, Université
de Dschang
[1] Il en est ainsi de l’ Article 25
AUS qui dispose : « Le créancier est tenu, dans le mois qui suit le
terme de chaque semestre civil à compter
de la signature du contrat de cautionnement, de communiquer à la caution un
état des dettes du débiteur principal précisant leurs causes, leurs échéances
et leurs montants en principal, intérêts, et autres accessoires restant dus à
la fin du semestre écoulé, en lui rappelant la faculté de révocation par
reproduction littérale des dispositions de l'article 19 du présent Acte
uniforme.
À défaut d'accomplissement des formalités prévues au
présent article, le créancier est déchu, vis-à-vis de la caution, des intérêts
contractuels échus depuis la date de la précédente information jusqu'à la date
de communication de la nouvelle information, sans préjudice des dispositions de
l'article 29 du présent Acte uniforme.
Toute clause contraire aux dispositions du présent
article est réputée non écrite ».
[2] La présomption est un mode de
raisonnement juridique en vertu duquel, de l’établissement d’un fait on induit
un autre fait qui n’est pas prouvé.
[3] L’art. 26, al. 1er
dispose en effet que « la caution
est tenue de la même façon que le débiteur principal ».
[4] L’alinéa 2 de l’article 18 AUS
dispose clairement que « le
cautionnement peut également être contracté pour une partie seulement de la
dette et sous des conditions moins onéreuses ». Aussi, l’article 26 in
fine dispose que « le créancier ne
peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu'en appelant en cause le
débiteur principal ».
[5] Cette originalité est exprimée à
l’article 26 qui dispose que « la
caution solidaire est tenue de l'exécution de l'obligation principale dans les
mêmes conditions qu'un débiteur solidaire sous réserve des dispositions
particulières du présent Acte uniforme ».
[6] L’alinéa 2 de cet article ajoute
par ailleurs que « le créancier ne
peut entreprendre de poursuites contre la caution qu'après une mise en demeure
de payer adressée au débiteur principal et restée sans effet ».
[7] D’après l’alinéa 2 de l’article 21
AUS, « sauf stipulation contraire,
le ou les certificateurs sont cautions simples de la caution certifiée ».
[8] Dans la mesure où cette
présomption ne concerne que la relation caution-débiteur, elle ne peut faire
échec qu’au bénéfice de discussion. Le bénéfice de division, dans la mesure où
il ne peut être invoqué qu’en cas de pluralité de cautions ayant expressément
stipulé la solidarité entre elle (la présomption de solidarité ne s’applique
pas à cette hypothèse) n’est pas évincé par cette présomption. Seule la
solidarité stipulée entre les cofidéjusseurs fait obstacle au bénéfice de
division.
[9] Art. 27, al. 2 « La caution simple, à moins qu'elle ait
expressément renoncé à ce bénéfice, peut, sur premières poursuites dirigées
contre elle, exiger la discussion du débiteur principal, en indiquant les biens
de ce dernier susceptibles d'être saisis immédiatement sur le territoire
national et de produire des deniers suffisants pour le paiement intégral de la
dette. Elle doit, en outre, avancer les frais de discussion ou consigner la
somme nécessaire arbitrée par la juridiction compétente à cet effet.
Lorsque la caution a fait
l'indication des biens et fourni les deniers suffisants pour la discussion, le
créancier est, jusqu'à concurrence des biens indiqués, responsable, à l'égard
de la caution, de l'insolvabilité du débiteur principal survenue par le défaut
de poursuites ».
[10] Art. 28, al. 1er :
« S'il existe plusieurs cautions
pour un même débiteur et une même dette, sauf stipulation de solidarité entre
elles ou renonciation par elles à ce bénéfice, chacune d'elles peut, sur
premières poursuites du créancier, demander la division de la dette entre les
cautions solvables au jour où l'exception est invoquée ».
[11] L’art. 29 AUS dispose :
« Toute caution ou tout
certificateur de caution peut opposer au créancier toutes les exceptions
inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à
réduire, éteindre ou différer la dette sous réserve des dispositions des
articles 17 et 23, alinéas 3 et 4 du
présent Acte uniforme et des dispositions particulières de l’Acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif ».